L’an prochain
Aurons-nous une pensée particulière
Pour ceux qui mourront de la grippe saisonnière
Pas d'un virus étrange venu d'un pangolin de Chine,
Un virus couronné,
Le king des virus,
Non, la grippe banale, anonyme,
Que l’on aurait crue anodine ;
Aurons-nous une pensée spéciale
Pour ceux qui mourront noyés dans la grande bleue
Où nous aimons tellement nager
Parce qu’ils croyaient que les hommes naissent égaux et libres
Et qu’ils voulaient juste vivre ici
Vivre comme nous ;
L’an prochain
Aurons-nous une passée
(Je veux dire une pensée en passant)
Pour les milliers de civils qui seront morts au Yemen
Dans la « pire crise humanitaire au monde »,
Pour les 500 000 personnes mortes depuis le début du conflit syrien en 2011,
Pour les millions d’enfants qui seront morts de faim, de pauvreté, de maladies que nous avons éradiquées, quelque part en Afrique subsaharienne, dans des pays où nous n’allons pas en vacances ;
L’an prochain
Aurons-nous un peu de compassion
Pour tous ceux dont la vie sera un peu plus difficile
À cause de la récession qui aura suivi le coronavirus
Malgré les promesses dont on nous abreuve l’esprit
Comme d’une potion lénifiante ;
L’an prochain
Quand nous aurons épuisé nos stocks de pâtes, de riz, de conserves,
Nos masques sanitaires,
Nos gels désinfectants,
Nos montagnes de rouleaux de papier hygiénique ;
L’an prochain
Quand nous n’applaudirons plus les médecins, les infirmières, les aides-soignantes,
Dans un an,
En mars 2021,
Si nous sommes encore là,
Comment regarderons-nous ceux que nous étions aujourd’hui ?
Daniel Charneux