Je marchais ce matin dans la ville déserte. Tout était calme, plus de voitures, plus de passants, rien que le silence. Un silence incroyable, digne d’une campagne profonde. Quelque part, au loin, un oiseau chantait le printemps revenu. Ca m’a fait du bien de le savoir heureux, fidèle au rythme des saisons.
Finalement, me dis-je, ce confinement a tout de même des avantages. Il y avait bien longtemps que je n’avais plus entendu un oiseau en pleine ville. Le monde avait changé, vraiment. Plus de bus ou de métros bondés, plus d’agitation, plus de course effrénée vers le profit. Paradoxalement, à cause de ce fichu virus, les hommes allaient peut-être découvrir une autre manière de vivre et comprendre enfin que l’essentiel n’était pas là où ils le croyaient.
Ils allaient apprendre à vivre à un rythme normal, sans courir, et découvrir que la vraie richesse était au fond d’eux-mêmes.
C’est alors que je vis un passant qui venait à ma rencontre. Je m’apprêtais à le saluer poliment quand il fit un écart de côté et se jeta littéralement sur la chaussée, afin de ne pas me croiser. Quand il fut à ma hauteur, c’est de la méfiance et même de la peur que j’ai vu dans ses yeux. J’étais soudain devenu indésirable, j’étais de trop, juste celui par qui la mort aurait pu arriver.
Alors, en poursuivant mon chemin, des souvenirs littéraires ont refait surface. Le « Décaméron » de Boccace, bien entendu, et l’épidémie de peste qui avait frappé Florence, au XIVème siècle. Puis des pages entières du « Hussard sur le toit » de Giono, quand les gens affolés s’évitaient pour ne pas mourir et ne pensaient plus qu’à sauver leur peau.
Soudain, j’ai eu l’impression de vivre dans le roman. Non, décidemment, cette nouvelle manière de vivre, encore plus égoïste que l’ancienne, ne me convenait pas non plus.
Jean-François Foulon