Troisième épisode de nos fouilles dans les documents sur les canaux houillers que nous proposent de découvrir les Archives générales du Royaume. Aujourd’hui nous allons évoquer les expropriations nécessaires au creusement du canal du Centre. Et vous allez voir que ce fut parfois tendu entre l’administration et les propriétaires.
Si les canaux houillers allaient contribuer à la prospérité des industries du Hainaut, leurs constructions avaient pourtant suscité beaucoup de craintes et de rouspétances.
En 1831, le conseil communal de Seneffe adresse un courrier à Surlet de Chokier, le régent. Il craint que la branche vers La Louvière du futur canal ne crée "une concurrence déloyale au profit des charbonnages d'Houdeng et au détriment du bassin de Charleroi".
La guerre des bassins déjà…
Les expropriations nécessaires à la construction du canal du Centre allaient aussi faire couler beaucoup d'encre. A côté du nom des Boël, Warocqué, de Croÿ, riches propriétaires, on trouve aussi des noms moins connus de particuliers qui ont été privés d'un jardin, d'un atelier, d'une maison, d'un verger.
Joffrey Liénart, archiviste et auteur de l’inventaire des archives : « On voit là comment fonctionne une expropriation. Le travail préparatoire et on a aussi des carnets de bord des experts qui passent de domicile en domicile pour voir les propriétaires et chercher un arrangement. Puis, le deuxième type de documents, ce sont toutes les emprises. Ça, c'est un dossier quasiment par parcelle et emprise. Et donc, qui dit emprise dit indemnisation. »
Monsieur Poirier, le chef des acquisitions aux Ponts et Chaussées se plaint au ministre des Travaux publics d'avoir « rencontré beaucoup de mauvaise foi". Et malgré les "exigences démesurées des propriétaires, j'ai résisté à leurs prétentions, je parvenais souvent à les ramener à la modération".
« C'est passionnant parce qu'on touche ici à des situations de crise pour certaines personnes et on a des réactions humaines qui visent à défendre les intérêts personnels pour pouvoir justement n'être pas lésés par cette grande machine qui est l'Etat », précise Joffrey Liénart.
« Et donc les personnes vont vraiment être actives dans leur manière de réclamer plus à travers les moyens officiels et aussi des lettres de dénonciation ».
Lettre anonyme bien sûr. Un propriétaire lésé dénonce à l’administration : « les experts qui passent chez les expropriés après résultats sans doute pour toucher leur dringuelle, certains ayant obtenu plus. »
Dans les querelles dues au canal, il faut aussi relever celle entre La Louvière et Houdeng. Il existe une lettre de 1909 du bourgmestre d'Houdeng-Goegnies qui se plaignait. Les Travaux publics avaient baptisé l'ascenseur n°1 "ascenseur de La Louvière".
"C'est l’administration communale d'Houdeng-Goegnies qui a eu l'honneur de recevoir sa majesté le Roi lors de l'inauguration de ce travail remarquable. Cette dénomination induit en erreur un grand nombre de {vistieurs} qui auraient plus de facilité en descendant à la gare d'Houdeng qui est à proximité de l'ascenseur". "Il serait équitable, écrit Paul Houtard, de mettre un terme à cette anomalie."
E. Verhelle